Nâmbo
Tout discours use de formes spatiales concrètes pour s’incarner et devenir réellement efficace; le jardin zoologique est un dispositif spatial sur lequel je me suis penchée, photographiant durant un an plusieurs d’entre eux en France et en Belgique.
La nature y est exotisée, artificialisée, scénographiée, selon différents procédés de monstration, travaillant notre imaginaire et qui sont révélateurs de certains mécanismes de pensée agissant souterrainement dans nos sociétés.
La recréation d’une nature fantasmée, conforme aux attentes du spectateur, est forgée par tout un système de représentations, développé depuis les grandes découvertes; la colonisation et l’histoire naturelle ont largement contribué à la conception d’une nature échantillonnable et reconstituée dans nos musées.
L’homme civilisé institue ainsi un rapport de domination, construit sur sa capacité à faire venir jusqu’à lui une nature sauvage et lointaine et à en proposer une réification par sa muséification, marquant l’empreinte de la culture sur la nature.
La nature, décontextualisée, déracinée de son territoire, est redéployée sous sa forme lisse, purgée de ses aspérités et consommable aisément.
Les plantes artificielles, naturelles, les trompe-l’œil représentant des forêts tropicales, constituent ce décor, qui brouille les représentations.
Ils tendent à fabriquer une “authenticité” qui vise plus une apparence de vérité qu’une réalité.
Le zoo, les serres, les muséums d’histoire naturelle, galeries d’évolution, construisent, et surtout fictionnalisent, une histoire de la relation que l’homme entretient avec la nature.
Oriane Thomasson
Ce travail a été remarqué lors du jury des «Propositions d’artistes» en 2018.
© Oriane Thomasson, série Nâmbo, 2018