Grounding
Née en 1974 à Turku en Finlande, le parcours d’Arja Hyytiäinen est celui d’une photographe libre, parfaitement inscrite dans une époque où le documentaire n’a cessé de se renouveler. Diplômée de l’Académie de photographie de Prague, son parcours est déjà à ce moment-là empreint d’aventure et d’humanisme: une immersion de deux ans dans un village aux confins de la Russie, des déambulations en Europe de l’Est où l’on croise d’étranges personnages à la dérive, des jeunes femmes en forme de miroir de la photographe, des paysans fatigués et des hommes internés dont le regard nous transperce durablement.
Dans toutes ces séries, s’entremêlent sans distinction le travail de rue, le portrait posé, le reportage, le paysage, le journal. Et déjà, cette forme d’intimité qui traverse l’ensemble, car à travers l’autre, c’est le cœur d’Arja qui palpite, et le nôtre aussi, forcément. Récompensé en 2006 par le prix Kodak de la critique photographique, il fait tout d’abord très froid dans ce travail, puis cette neige épaisse sera chassée par la chaleur de Marseille et enfin par celle de la Vendée, où la photographe de l’Agence Vu s’installe définitivement en 2010 dans un grand domaine en pleine nature, entourée d’animaux.
C’est peu dire que le décor change autour d’elle, et pourtant, il y a une évidente continuité dans la quête qu’Arja Hyytiäinen mène depuis plus de quinze ans: intégrer le monde qui l’entoure par l’acte photographique, un acte dont elle a d’ailleurs conservé tout l’artisanat argentique, de la prise de vue aux tirages qu’elle effectue elle-même en chambre noire.
Et il y a un nouveau personnage qui évolue dans ce décor féérique: sa fille, dont Arja va documenter l’enfance à la fois en France et en Finlande, à la recherche d’une identité mêlée entre deux pays qui finissent par se confondre. Mais ce travail n’est en rien replié sur lui-même; au contraire, il cherche des échos universels dans cette ivresse de l’enfance, dans les souvenirs d’étés bourdonnants, puis développe progressivement une ampleur plus générale.
C’est ainsi qu’est née la série Grounding, ce terme qui évoque un retour nécessaire à cette terre d’où nous venons tous. Rassemblant librement différentes époques du travail autobiographique d’Arja Hyytiäinen, humains, animaux, roches et arbres y sont traités sur un pied d’égalité dans une écriture à la fois délicate et profonde, fragile et enracinée dans la puissance de la nature.
Arja nous raconte ainsi le temps qui s’étire, les parfums de feu et de romarin, l’insouciance aux reflets clairs qui se mélange à la crinière blonde. Aucun angélisme cependant dans ce travail, car Grounding, en ne nous cachant rien de la condition humaine, évoque aussi bien le bonheur onirique d’être au monde que la peur que tout cela finisse par nous échapper.
Marie Sordat, Commissaire de l’exposition
© Arja Hyytiäinen, Hold on, série Ile d’enfance, 2018, 20 x 30 cm / © Arja Hyytiäinen, Coq qui vole, série Ile d’enfance, 2018, 24 x 30 cm / © Arja Hyytiäinen, sans titre, série martan laulu Esnandes, 2012, 28 x 28 cm
Instagram: hyytiainena